LES FONCTIONS DE LA FORET

– Le caractère multifonctionnel de la forêt. – Les droits d’usage forestiers limitant le caractère absolu du droit de propriété sont voués à une disparition progressive. Inversement, les limitations des prérogatives du propriétaire de bois et forêts sont renforcées par les nouvelles fonctions assignées par les pouvoirs publics à la forêt. En effet, "tout propriétaire exerce sur ses bois et forêts tous les droits résultant de la propriété dans les limites spécifiées par le présent code et par la loi, afin de contribuer, par une gestion durable, à l’équilibre biologique et à la satisfaction des besoins en bois et autres produits forestiers". La propriété se trouve finalisée. Aujourd’hui, la politique de l’État prend en compte les fonctions économique, écologique et sociale des bois et forêts.

– La fonction économique de la forêt. – La fonction de production de bois attachée à la forêt métropolitaine française est essentielle pour la préservation du territoire forestier et pour l’économie de la nation en général. 

– Un accroissement du bois sur pied – une récolte insuffisante. – Sans le besoin de récolte de bois, l’État n’aurait pas initié les grandes politiques de protection de la forêt des siècles passés. La forêt métropolitaine d’aujourd’hui est en grande partie le résultat des politiques forestières successives, notamment depuis la promulgation du Code forestier en 1827. Ce code a cherché avant tout à protéger le territoire national de la déforestation. Le succès de cette politique menée de manière ininterrompue depuis deux siècles est certain. La surface en France métropolitaine a doublé au cours des deux derniers siècles et continue de croître au rythme de 25 000 hectares par an, surtout dans la moitié méridionale de l’Hexagone. Malheureusement, la récolte de bois est insuffisante. En moyenne, seule la moitié de la production nette est prélevée. La conséquence directe est un accroissement important du volume de bois sur pied. De 129 mètres cubes en 1981, le volume de bois est passé à 161 mètres cubes à l’hectare pour la période 2008-2012, soit une augmentation de 25 % en un peu plus d’un quart de siècle. Corrélé à l’accroissement de la surface boisée sur cette période, le stock de bois sur pied en France métropolitaine s’établit désormais à 2,5 milliards de mètres cubes, en augmentation de 45 %. La récolte pendant ces vingt-sept à trente ans a augmenté de 25 %, atteignant 37,8 millions de mètres cubes de bois. Les difficultés actuelles de la forêt sont essentiellement dues à sa sous-exploitation.

 


Asbe

– Les usages du bois. – La production de bois assure des matériaux pour les entreprises de meubles, charpentes, panneaux, huisseries, parquets, cartons, papiers, etc. Le bois est également utilisé pour la production d’énergie. Alors dénommé bois-énergie ou bois-biomasse, ce combustible est employé sous diverses formes dans des installations individuelles, industrielles ou collectives. Il produit de la chaleur, de l’électricité ou des biocarburants après transformation (gaz naturel de synthèse). Gérée durablement, la ressource est infinie, à la différence des autres matières premières et énergies fossiles.

La filière forêt-bois est un employeur important. L’emploi salarié et indépendant s’établit à 230 000 personnes sur la période 2008-2012. Il est toutefois en baisse. Pour les années 1999-2002, on dénombrait 300 000 personnes dans ce secteur d’activité. Les entreprises sont souvent implantées en zone rurale : exploitations forestières, entreprises de travaux forestiers, scieries, industries, artisans, organismes forestiers de conseil et de gestion.

Malheureusement, la balance commerciale de la filière bois est chroniquement déficitaire. Pour 2016, le déficit s’établit à 5,9 milliards d’euros. De protégée, la forêt française doit devenir productrice. Les besoins sont vastes. Le développement de l’utilisation du bois-énergie et du bois-matériau demande une meilleure mobilisation du stock de bois sur pied. Les rapports relatifs à la meilleure valorisation de la forêt sont très nombreux. Depuis 1984, on en recense 250. La forêt constitue un enjeu d’avenir pour la France par son potentiel économique et social. La contribution de la forêt au développement économique dépend aussi de la structure des industries du bois et de la qualité de leur intégration à l’ensemble du secteur industriel. Mais le développement de la filière bois dépend également de la gestion durable et de la préservation des forêts. En effet, les bénéfices environnementaux et écologiques de la forêt sont essentiels pour les territoires.

– La fonction écologique de la forêt. – Sur le plan écologique, la forêt est indispensable aux autres territoires. Ses fonctions environnementales extrêmement variées n’ont pourtant presque pas de valeur marchande.

 


Matt Gibson

– La biodiversité. – La forêt est un réservoir de biodiversité. Elle abrite une multitude d’organismes vivants : arbres, arbustes, fougères, ronces, lianes, mousses, lichens, champignons, insectes, rongeurs, amphibiens, reptiles, chauves-souris, grands animaux, oiseaux. Il existe en France métropolitaine 136 essences d’arbres (76 feuillues et 60 résineuses). Dans les forêts tropicales des départements et territoires d’outre-mer, notamment en Guyane française (8 millions d’hectares), plusieurs centaines d’espèces coexistent.

Les forêts d’outre-mer

La forêt couvre 8,3 millions d’hectares dans les cinq départements d’outre-mer, dont 97 % en Guyane. Les forêts tropicales françaises offrent une biodiversité remarquable : forêt primaire en Guyane, mangrove aux Antilles, forêt de montagne à La Réunion. 440 000 espèces végétales et animales y représentent une diversité biologique exceptionnelle.

 

– La qualité de l’eau. – Le couvert forestier favorise l’infiltration complète des eaux de pluie. Le sol forestier agit également comme filtre pour les impuretés des eaux reçues et régule le régime des crues.

– La qualité de l’air – le puits à carbone. – La forêt fixe les poussières et polluants, notamment grâce aux feuillages, mousses et lichens. La forêt absorbe une partie du carbone existant dans l’atmosphère. Le bois-matériau constitue à ce titre un excellent moyen de fixer durablement le carbone, tout en libérant de l’oxygène. Le cycle forestier influe également sur la quantité de carbone stockée : l’arbre jeune stocke davantage de carbone que l’arbre vieillissant. Au contraire, en phase de décomposition, l’arbre libère du carbone.

– La protection contre les risques naturels. – La forêt préserve naturellement les sols de l’érosion. Sur le littoral, elle fixe les dunes. En montagne, elle protège des chutes de pierres, des glissements de terrain et des avalanches.

– La valeur économique de la fonction environnementale. – La fonction environnementale de la forêt a fait l’objet de recherches économiques. Une valeur de 970 € par hectare et par an pour les différents services écosystémiques (comprenant également la cueillette et la chasse) a été proposée par un rapport français en 2009. La loi permet désormais au propriétaire dont la forêt est soumise à un document de gestion durable de recevoir des contreparties pour les services rendus en matière environnementale. Aucun inventaire n’a pour l’instant été établi à ce titre. Cette approche économique se penche également sur la valeur de la fonction sociale de la forêt.


VM

– La fonction sociale de la forêt. – La fonction sociale de la forêt, prévue par la loi, ne fait l’objet d’aucune définition dans le Code forestier. Elle est apparue avec force au cours de la seconde moitié du 20e siècle, répondant aux préoccupations de loisir des urbains. Au départ, ces loisirs se limitaient aux promenades en forêt, à pied ou à cheval. Ils sont aujourd’hui plus sophistiqués : VTT, quads, accrobranche, etc. Des parties de forêts publiques sont aménagées en parcours de santé. La forêt est également un lieu de découverte et de formation aux sciences du vivant.

– L’accueil du public. – L’accueil du public en forêt est régi par une circulaire de 1979. Ce texte vise à concilier la circulation des personnes et la protection des boisements. Il rappelle que l’ouverture d’une forêt au public est un choix discrétionnaire du propriétaire public ou privé. Toutefois, dans les bois et forêts relevant du régime forestier, en particulier ceux appartenant à l’État, l’ouverture au public est recherchée le plus largement possible. Cela implique des mesures permettant la protection des bois et forêts et des milieux naturels, notamment pour garantir la conservation des sites les plus fragiles ainsi que des mesures nécessaires à la sécurité du public. L’État et les collectivités publiques sont ainsi invités à ouvrir leurs forêts, sans y être formellement obligés, la forêt dépendant de leur domaine privé. Les propriétaires privés n’ont également aucune obligation. En cas d’ouverture au public, et sous réserve que leur forêt soit soumise à un document de gestion durable, ils sont susceptibles de recevoir des contreparties pour services rendus.

– Les conventions pour l’ouverture au public. – Les collectivités territoriales ont la faculté de passer des conventions relatives à l’ouverture au public ou à l’exercice des sports de nature avec les propriétaires publics ou privés de forêts. La collectivité prend en général en charge les dépenses d’aménagement, d’entretien et de réparation, ainsi que les coûts d’assurances engendrés par l’ouverture au public. L’indemnité versée au propriétaire pour services rendus est également supportée par la collectivité.

Le cas échéant, les documents de gestion durable intègrent les objectifs d’accueil du public.

– Conclusion. – En matière forestière, le caractère absolu du droit de propriété est amoindri par des finalités singulières. Les fonctions économique, environnementale et sociale créent en effet des sujétions importantes, obligeant le propriétaire à orienter l’exercice de ses droits dans le sens voulu par la loi. La propriété des bois et forêts est finalisée. Le propriétaire doit contribuer, par une gestion durable, à l’équilibre biologique et à la production de bois. Les multiples utilités de la forêt peuvent être réparties entre plusieurs personnes. Au fil du temps, le droit de propriété est également susceptible d’être "partagé". Le droit de la propriété forestière présente ainsi des particularités marquées. Ces singularités se retrouvent également dans l’exercice du droit de propriété à l’épreuve du temps. Que ce soient les droits de l’usufruitier ou ceux de l’indivisaire, des dispositions spécifiques s’appliquent à la propriété forestière.